En recrutant le numéro 1 de Gras Savoye Willis Towers Watson, Jacques Verlingue stabilise la gouvernance de Verlingue, bousculée depuis le départ d’Eric Maumy. Un changement qui n’aura pas d’incidence sur les plans de développement du groupe.
L’Argus de l’assurance : Vous avez annoncé l’arrivée de Gilles Bénéplanc (directeur général de Gras Savoye) comme directeur général d’Adelaïde et de Verlingue. Pourquoi avoir retenu ce profil ?
Jacques Verlingue : Nous sommes heureux que Gilles Bénéplanc rejoigne notre projet. C’est un expert reconnu de notre industrie. Il va nous apporter son expérience, sa grande connaissance des marchés et son savoir-faire en matière de management des équipes. Il va inscrire son action dans notre dynamique de transformation et de croissance en France et à l’international, en s’appuyant sur nos valeurs et les talents qui composent notre groupe. En tant que directeur général de Verlingue, il va composer un duo complémentaire avec Jean-Marc Esvant, qui devient directeur général adjoint. Et, à mes côtés, il va s’investir sur l’ensemble du projet de développement d’Adelaïde avec l’objectif annoncé de doubler de taille à l’horizon 2022. Il aura aussi pour mission de préparer mon fils Benjamin [32 ans, NDLR] à prendre, dans les meilleures conditions, la direction du groupe en temps voulu.
Le départ en septembre d’Éric Maumy, directeur général depuis 2005, pour le groupe April a-t-il pesé sur l’activité de Verlingue en cette fin d’année ?
Avec Éric, nous avons formé un tandem formidable qui a porté Verlingue d’une entreprise régionale à un courtier national et international, interlocuteur privilégié des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Nous avons perdu un directeur général, mais nous avons conservé les équipes que nous avions constituées. Grâce à elles, l’entreprise n’est pas déstabilisée. Ce départ s’est fait dans de très bonnes conditions entre nous. Malgré toute l’énergie déployée pour le retenir, il a préféré suivre sa voie. Ce n’est pas mon choix, mais je le respecte. Notre collaboration ne cessera pas pour autant. Nos deux groupes entretiennent d’importants liens commerciaux à travers Génération et pourraient encore se développer entre Coverlife, courtier spécialisé dans la distribution d’assurance santé et prévoyance, et l’activité grossiste d’April.
Son départ ne remet pas en cause le cap et les objectifs fixés dans votre plan stratégique 2019-2022 ?
Notre plan de transformation et de croissance est clair et se poursuit à son rythme. Nous ne renonçons à aucun de nos objectifs : atteindre 330 M€ de chiffre d’affaires en 2022 [NDLR : 166 M€ en 2018], avec une croissance organique de 11 %. D’ici à cinq ans, nous souhaitons que l’international représente près de 50 % du chiffre d’affaires du groupe, contre 35 % aujourd’hui en ayant notamment recours à des opérations de croissance externe. Je rêve toujours d’acquérir un courtier allemand. Nous restons également à l’écoute d’opportunités en Italie, en Belgique, en Hollande, mais aussi en France sur des spécialités.
Y compris les 40 M€ d’investissements engagés dans la transformation digitale du groupe ?
Bien entendu. Cette transformation digitale comporte trois objectifs structurants. La transformation en elle-même. Nous devons amplifier l’intégration du digital dans les métiers de la relation client en faisant émerger des use case là où la demande de nos entreprises clientes est forte : gestion de l’absentéisme, de la retraite… Notre digital factory est un accélérateur pour l’ensemble du groupe. Deuxième dimension : poursuivre la mise en œuvre de modes de fonctionnement plus courts et plus agiles entre nos clients et nos fournisseurs. Nous avons, par exemple, développé pour les agents immobiliers une application qui se branche en direct sur leur propre SI. Ils peuvent ainsi proposer directement nos offres depuis leur système. Troisième dimension : sécuriser nos SI. Notre système maison est robuste, mais très fermé. Nous allons donc reconstruire son architecture afin qu’il puisse accueillir de nouvelles fonctionnalités externes qui pourront venir se brancher. Il faut ouvrir les remparts tout en gardant le donjon.
Dans le cadre de son activité, Coverlife a-t-il recours au démarchage téléphonique ?
Coverlife est une assurtech qui opère depuis l’origine dans la vente en ligne et à distance. Nous avons débuté à partir de zéro en 2014. Aujourd’hui, la société génère près de 13 M€ de chiffre d’affaires et elle a atteint son seuil de rentabilité dès le second semestre 2018. 100 % des contrats sont dématérialisés et 30 % des ventes sont aujourd’hui réalisées en full digital, sans avoir recours à une plateforme téléphonique. Nous pouvons procéder à des appels, mais auprès d’une population qualifiée (ex : groupe de retraités). En revanche, nous n’avons pas recours au démarchage sauvage ni ne sollicitons de plateformes externes. Aucune vente n’est réalisée au premier appel.
Distribuez-vous le Plan d’épargne retraite (PER), dont la commercialisation a débuté depuis deux mois ?
L’activité d’assurance de personnes de Verlingue, qui a crû cette année de plus de 10 %, propose essentiellement de la santé, de la prévoyance et de l’emprunteur. Nous avions jusque-là très peu d’offres à proposer à nos clients en retraite. Avec le PER, nous avons décidé de constituer une équipe avec un plan de développement déterminé. Nous sommes proactifs et répondons aux besoins de nos clients sur les trois compartiments du PER.
Dans quelle mesure la mise en œuvre du 100 % Santé bouscule-t-elle l’activité de courtier et courtier gestionnaire ?
C’est à la fois une opportunité de développement pour Coverlife et un enjeu complexe de communication pour Génération (+14 % de croissance organique en 2018) en termes de gestion. Nous devrons intervenir à trois reprises sur nos portefeuilles tout en travaillant à une meilleure lisibilité des garanties. Au sein de Génération, nous expérimentons actuellement sur un échantillon de 300 000 personnes un outil d’analyse des devis dentaires, en croisant la photo du devis et le tableau de garanties de l’assuré. Cet outil est, ainsi, capable de fournir automatiquement le montant de la part de la Sécurité sociale, de la complémentaire santé et du reste à charge.
Vous faites partie des rares courtiers à ne pas avoir succombé aux fonds d’investissement. Pourriez-vous, à terme, ouvrir l’actionnariat de votre entreprise ?
L’actionnariat du groupe Adelaïde est composé et réparti entre mes trois enfants, moi-même et des dirigeants des sociétés opérationnelles. Il n’y a aucune raison qu’il évolue. Nous ne sommes pas aujourd’hui vendeurs d’une activité, nous portons un projet ambitieux Adelaïde 2022, pour lequel nous allons recourir à l’endettement. Ce choix a été motivé par des conditions de financement extrêmement avantageuses. Notre objectif affiché est de bâtir un grand groupe de courtage en assurance de dimension européenne, familial et indépendant.
Propos recueillis par Sébastien Acedo – L’Argus de l’Assurance