Après avoir enregistré une progression de 12 % en 2017, le courtier breton engage une année cruciale. L’achèvement de son plan stratégique enclenche une forte accélération à l’international. Éric Maumy, le directeur général, détaille ses ambitions.
L’année 2017 s’est terminée en fanfare pour Verlingue avec une croissance à deux chiffres. Comment l’expliquer ?
Nous avons fait des choix stratégiques déterminants et beaucoup investi. Dans le digital, tout d’abord, où nous avons engagé notre révolution numérique dès 2005 en lançant des plateformes Web en automobile et en protection sociale complémentaire. Nous avons alors révolutionné notre modèle de service et démontré notre capacité à gérer de la complexité en apportant de la simplicité à nos clients, ce qui nous a permis de gagner la confiance de grandes entreprises. Ce mouvement ne s’est jamais arrêté depuis. Nous avons, en parallèle, renforcé nos expertises et recruté de nombreux talents (ndlr : 100 collaborateurs sur un effectif de 900 l’an dernier), dans les métiers du conseil comme de la gestion.
Enfin, nous nous sommes implantés à l’international. Après l’Angleterre il y a 10 ans, nous sommes allés chercher de nouveaux relais de croissance en Suisse avec Advantis à Zurich et S&P à Lucerne.
L’idée a toujours consisté à ne pas réduire la voilure quand les vents étaient contraires. Nous sommes en ligne avec les objectifs de notre plan stratégique #2018 et nous avons gagné la confiance de 200 nouveaux clients l’an dernier, pour l’essentiel des ETI et des grandes entreprises françaises. La croissance 2017 est solide car la progression de 12 % de notre chiffre d’affaires, avec 147 M€ de revenus, repose sur 5 % de croissance organique. Nous avons déjà fait mieux, mais ce résultat nous convient par les temps qui courent !
Vous avez négocié 1,7 Md€ de primes en 2017. Estimez-vous que la compétition a atteint son paroxysme ?
Nous sommes dans un secteur ultraconcurrentiel avec une forte émulation qui nous a plutôt bien réussi jusqu’alors. Nous savons où nous créons de la valeur pour nos clients et nous ne nous dispersons pas. Nous diversifions et élargissons aussi notre portefeuille de clients. En France, 50 % de nos revenus sont ainsi générés par des grandes entreprises, 45 % par des ETI et 5 % par les PME.
Arrivez-vous à reproduire votre modèle de conseil et de gestion poussé auprès de la clientèle des PME qui a une autre façon d’acheter de l’assurance et de gérer ses risques ?
Il y a 3 ans, le marché des PME s’est retrouvé bouleversé par l’ANI et la mise en place du contrat responsable. Nous nous sommes posés la question d’en sortir. Nous avons finalement décidé d’investir ce segment où nous estimons pouvoir apporter beaucoup de valeur en gestion des risques et en protection sociale. À condition, effectivement, de nous réinventer car nous nous heurtons à un problème de modèle économique, d’où la création de Verlingue Solutions Entreprises avec une équipe, des ressources et des solutions dédiées à ce segment.
La régionalisation qui est un des axes clés de votre plan stratégique 2016-2018 est-elle liée à cette ambition ?
Pas vraiment, car cette régionalisation remonte à plus de 20 ans. Nous nous sommes développés avec le rachat de courtiers régionaux bien implantés à Lille, Mulhouse, Paris ou Lyon. Et nous avons aussi créé des bureaux à Rennes, Dijon, Aix-en-Provence, Bordeaux, Annecy… Nous avons aujourd’hui 14 implantations avec des équipes capables d’élaborer des solutions au plus près de nos clients partout en France. Nous réalisons un tiers de notre chiffre d’affaires dans les spécialités et près de deux tiers en régions à parts égales entre les ETI et les grandes entreprises auprès desquelles nous nous développons régulièrement depuis plus de 10 ans.
Le marché jusqu’ici très surcapacitaire semble se contracter légèrement sur certaines lignes comme le dommage. Vous confirmez ?
C’est un bruit de fond que nous avons beaucoup entendu aux 26e Rencontres du risk management en février dernier. Honnêtement, nous trouvons les déclarations sur un « retournement de marché » un peu exagérées, les capacités restent fortes et nos clients peuvent continuer à s’assurer dans de très bonnes conditions.
Poursuivez-vous votre transformation digitale ?
C’est vital. Nous continuons d’investir fortement dans l’innovation technologique pour accroître notre agilité numérique et renforcer notre différenciation par les services, qui est une de nos marques de fabrique. Nous faisons face à d’importants défis de transformation de nos métiers. Prenez l’assurance emprunteur qui représente près de 10 % de notre chiffre d’affaires en France. De nouveaux acteurs sont aujourd’hui prêts à « ubériser » ce marché.
Pensez-vous que la décision du Conseil constitutionnel va vraiment bousculer les choses ?
Oui. La faiblesse des taux immobiliers rend le montant de l’assurance tellement visible que le client négocie. Des insurtechs sont en train de bousculer ce marché en proposant un nouveau modèle de services. Nous avons capté ce mouvement de fond, nous nous sommes appuyés sur notre expertise dans la digitalisation des parcours client et avons pivoté en 12 mois sur le métier de l’emprunteur pour créer Assur@ccess, une plateforme Web qui disrupte le parcours client. Nous mettons notre solution à disposition des grands réseaux bancaires comme de leurs « assaillants ».
Dans cette même logique disruptive, nous avons lancé Immo@ccess pour les professionnels de l’immobilier. Nos projets sont multiples. Nous avons lancé le plan Be digital qui prévoit la refonte de nos systèmes d’information et nous sommes en train de repenser complètement notre plateforme clients Easy@ccess. Aujourd’hui, c’est toute l’entreprise qui doit devenir une digital factory et c’est un sacré challenge.
Quelles sont vos ambitions internationales ?
Nous avons décidé de passer la vitesse supérieure. Nous réalisons déjà 20 % de nos revenus à l’international, avec l’ambition que 50 % de notre chiffre d’affaires y soit réalisé dans un avenir proche. L’arrivée de Frédéric Grand illustre la nouvelle étape que nous nous apprêtons à franchir. Frédéric avait la responsabilité du courtage sur le segment MiCorp du groupe Allianz, il va maintenant s’atteler à l’européanisation de Verlingue.
Après la Grande-Bretagne et plus récemment la Suisse, nous visons l’acquisition de courtiers qui ont notre ADN et qui sont parmi les leaders en gestion des risques et en protection sociale des entreprises sur leur marché. Nous ciblons des pays à forte maturité où notre modèle en matière de conseil et de gestion nous permet de nous différencier de la concurrence. Cette nouvelle dimension internationale profite déjà à tous nos clients.
À l’heure où les courtiers se spécialisent, entendez-vous rester généraliste ?
70 % de notre business est généraliste et 30 % réalisés dans des spécialités telles que les institutions financières, les professionnels de l’immobilier, les établissements de santé et les sciences de la vie. Ces entreprises présentent des risques très spécifiques auxquels seuls des spécialistes savent répondre. Nous croyons beaucoup à la spécialisation car les clients nous attendent sur la compréhension aiguë de leurs enjeux, et pas seulement sur notre capacité à négocier de bonnes conditions d’assurances. C’est un sacré défi pour les généralistes d’ailleurs, et nous allons devoir le relever.
Impossible ne pas finir par un mot sur Solvabilité 2, DDA ou RGPD…
La réglementation prend une place de plus en plus importante. En Grande-Bretagne, les règles de compliance mises en place ont détruit beaucoup de valeur chez les courtiers sans en créer forcément pour les clients. Je ne dirais pas cela de Solvabilité 2, qui a professionnalisé la gestion. Le vrai sujet pour nous, c’est le RGPD car il touche l’ensemble de nos clients. Nous sommes en action pour conseiller et aider les entreprises à trouver les meilleures solutions en matière de cyber.
L’asymétrie entre les conséquences potentielles du risque et son appréhension par tous les acteurs concernés est abyssale. Le cyber est un immense défi pour notre industrie et nous sommes très connectés au Ciab (Council of insurance agents and brokers, équivalent de la CSCA) qui nous permet de comprendre ce qui se dessine sur le marché nord-américain, très en pointe sur ces sujets.
Eloïse Le Goff et Olivier Baccuzat – L’Argus de l’Assurance